Poussée des prix des matières premières : une menace inflationniste réelle mais encore limitée


La poussée au niveau de l’inflation en cours est liée à la forte progression des cours des matières premières. La côte d’alerte n’est pas atteinte. Pour l’instant…



Les cours des matières premières sont en forte progression depuis l’été dernier. Ainsi, depuis septembre, les cours des matières énergétiques ont pris près 15 % pour le Brent et 11 % pour le gaz naturel. Pour l’alimentaire c’est encore plus marqué, avec +18 % pour le blé et +27 % pour le maïs. Sans dépasser les pics de 2008, les cours sont revenus sur des niveaux alarmants. Cette hausse provoque un regain d’inflation partout dans le monde, avec bien évidemment un impact important sur l’inflation dans les pays émergents (près de 50 % des indices de prix liés à l’alimentation et à l’énergie en Chine, Inde et Brésil) mais aussi dans l’OCDE. En zone euro, l’inflation totale a dépassé la barre de 2 % en décembre, à +2,2 % sur un an.

Cette pression est à la fois alimentée par un biais très positif sur les marchés, avec des positions spéculatives sur le pétrole ou le blé fortement acheteuses, mais aussi par une demande forte. Après le recul de 2009, la demande mondiale de pétrole s’est installée au-dessus de 87 millions de barils par jour. Avec leur forte croissance (notamment immatriculation automobile record en 2010 dans les BRIC) et une efficacité énergétique médiocre, les pays émergents augmentent toujours plus leur besoin.

Il paraît peu probable qu’à court terme cette demande s’essouffle. Même si le ralentissement économique en cours dans les grands émergents va calmer la hausse elle ne va pas la stopper.

Faut-il s’inquiéter d’un risque de dérapage inflationniste généralisé, les hausses de prix des matières premières se diffusant dans l’inflation sous-jacente (effets de second tour) ? En fait, l’impact récessif semble le plus dangereux.

Les politiques monétaires dans les pays émergents se durcissent depuis mi-2010, de façon plus ou moins agressive. La Chine a choisit d’appuyer sur le frein monétaire depuis l’automne dernier. Ceci va accentuer la modération de la croissance, limitant la stimulation exercée au niveau mondial par les importations, notamment en Asie. Le commerce mondial a déjà nettement ralentit.

Dans les pays développés, c’est l’impact négatif sur le pouvoir d’achat qui risque de faire patiner les économies. Comme le montre le graphique ci-contre, en 2008, la poussée inflationniste en zone euro a réduit à zéro les gains de pouvoir d’achat. Même si le revenu disponible des ménages s’est repris en 2010 (cf. aussi article sur le revenus des ménages US), le retour à une inflation supérieure à 2 % risque d’avoir le même effet dans les mois qui viennent.

Il ne faut pas oublier qu’en 2008, la récession américaine avait débuté avant que Lehmann fasse faillite, avec un repli de la consommation des ménages dès le début de l’année. Le choc lié à l’inflation fut au cœur de ce mouvement.

Si le prix du pétrole se stabilise sur son niveau actuel, l’effet inflationniste se dissipera rapidement en 2011 (cf. graphique ci-contre). Seul un retour à un niveau supérieur à 100 $/b pourrait entraîner une érosion durable des gains de pouvoir d’achat. Au-delà de 130 $/b, le seuil de douleur serait dépassée. Inutile de dire qu’un resserrement monétaire malheureux (cf. BCE en 2008) accentuerait le mouvement.

Si pour l’instant la poussée inflationniste liée aux matières premières est limitée et ne menace pas la croissance économique mondiale, ce risque a évidemment gagné en importance.

Equipe GECODIA

Jeudi 6 Janvier 2011